En lisant ces hommages que j’adresse à
de chers disparus, n’allez pas croire que j’ai des penchants morbides. La
raison est autre, car d’ici quelques dizaines années la mort deviendra un état
provisoire.
Explication :
En plus de nous soigner, la médecine
moderne a désormais les capacités de nous indiquer chaque fois notre date de
péremption et en cas d’erreur de casting, l’euthanasie viendra à la rescousse. Je
prévois que d’ici moins d’un siècle le clonage et la cryoconservation nous
donneront la possibilité de vivre ou de mourir a la carte, ce qui rendrait ces
hommages inutiles et la science fiction deviendra la science tout court. « Ya hafidh »
LES CENT-JOURS DE BELAID
Sur le canapé rouge ou dormait la vestale
Face à la fenêtre en position fœtale
Dehors le vent hurlait son champ automnal
Comme s’il devançait la nouvelle fatale
Un soir d’encre tombait sur nos âmes
usées
Des nuages au rictus ressemblant à des
diablesSemblaient annoncer une nouvelle incroyable
Tandis qu’à l’horizon le soleil s’est brisé
Une chouette hululait comme un mauvais présage
En chacun de nous l’espoir s’amenuisait
Une atmosphère lourde renvoyait un message
Les lèvres chuchotaient les regards se croisaient
Pourvu qu’il ne sonne point le téléphone
maudit
Que le jour se lève que finisse ce
samediOu que le temps s’arrête que le miracle soit
Pour que cette nuit là le malheur sursoit
Tout à l’heure attablés autours du repas
Nous scrutions Sara nous attendions l’oracle
Se peut-il qu’elle détienne dans ses mains le miracle
Ou que nos prières éloignent le trépas
Cela fait cents jours que dure la douleur
Enfouit dans son corps comme une veuve noire
Ce corps déjà meurtri a changé de couleur
Toutes les thérapies s’avéraient illusoires
Dans ce regard hagard dans ces yeux mi-clos
Ce corps qui se tordait et ces gémissementsPersonne n’ose parler ou n’ose dire un mot
Puis soudain un soupir un apaisement
Infirmiers et médecins blouses
blanches effarés
Les regards questionnant puis les têtes
baissées Aucune piste ne s’ouvre pour nous éclairer
L’échec de la médecine ses limites avérées
La douleur d’une sœur à ses lèvres
pincées
Ses doigts qui se croisent comme tétaniséeUne caresse au menton un baiser sur la joue
Une larme qui tombe sur le front acajou
Quand tout semblait perdu on se disait
tout bas
Il faut chercher remède à Alger à
KoubaNous irions s’il faut au-delà de la mer
Joindre à leur science nos profondes prières
Au dessus du village domine le cimetière
En face la montagne étale sa crinièreLa tombe toute fraiche en contre bas du père
Entre deux figuiers à gauche de la mère
Le corps sur une civière les gens
alentours
L’imam bien campé entonne l’oraison L’Adhan fusa soudain se joignant à son tour
A la mélancolie qui sied à la saison
Quand la mise en terre fut enfin
accomplie
Que les dalles froides fermèrent le
caveauUn enfant prit le linge et sous son bras le plie
Les pelletées de terre recouvrent le tombeau
Vas frère que les anges t’accueillent
Tu laisses des enfants une famille
stoïqueTu es là où il n’y a ni douleur ni écueil
Te délestant enfin de ta vie chaotique
Même si tu es parti même si tu n’es plus
là
Il y a ton souvenir le bien que tu fisJ’entends déjà le rire du petit Khelifa
Qui joue avec sa sœur qui sautille et qui rit
Tu t’es fait trop de bile la bile t’a
inondé
Tu étais disponible toi le bon
infirmier Combien tu as soigné combien tu as aidé
Tes nuits blanches si nombreuses pourraient en témoigner
Il était vingt trois heure le téléphone
sonna
Tel un couperet la nouvelle est tombée
L’envie de te sauver personne ne l’a freina
Celle qui t’a soigné partie d’une enjambée
Cet ultime instant quand ton cœur a
flanché
Qui à ton chevet pouvait le confirmerDire que tu es mort qu’il faut te débrancher
Que ta vie a cessé que la scène a fermé
Ces cent-jours pour tous ont été un
calvaire
De ton foie meurtri ton corps avait
souffertTu es mort en automne la couleur de l’ictère
Comme si tu craignais de mourir en hiver
Quelques flocons de neige saupoudraient
la vallée
Le cortège va rentrer te laissant derrière
luiLa vie continue Belaid s’en est allé
Fini les cent-jours et fini les cent-nuits
A la mort de ton père quelle vie d’orphelin
Quand ta mère à son tour s’en alla le
rejoindreTu te retrouvas seul trahi par le destin
Qui donc te disait que tu n’as rien à craindre
Ce que nous pouvons dire ce que nous
pouvons faire
Cet hommage pour toi reste
insignifiant Tu as le même sort que mon frère Nacer
Votre vie votre mort servira de leçon
Demain j’irai pleurer sur vos tombes
tous les deux
J’irai vous arroser de larmes que j’ai
enfouis J’irais à pas feutrés sans faire trop de bruit
Je suis déjà trop las je suis déjà trop vieux.
Djaffar Messaoudi Décembre 2012
HOMMAGE à Da l’HOCINE TOUM
Militant de la cause nationale,
militant du savoir, un double combat et une vie utile que la mort ne pourrait
effacer.
Altier il traversait le village
nonchalant
Regardait le ciel ou scrutait
l’horizonSans doute parlait-il à Homère ou Platon
Ou alors riait-il des pierres et des santons
Celui qui très tôt s’est lancé dans l’arène
Prenant les armes à feu puis troqua au
crayonGuerrier à l’heure de gloire au cœur de la géhenne
Quand les armes se turent il devient enseignant
En cette fin d’hiver là-haut sur la Coline
En face du Djurdjura et sa mélancolie
S’éteignit sans bruit mon ami Da l’Hocine
Nous laissant à nos doutes et à notre folie
Djaffar Messaoudi 18 Avril 2013
HOMMAGE A MON AMI AMEUR SOLTAN
Peu de sultans sont tombés au champ de bataille
Au champ d’honneur
Souvent leurs lames s’apprêtaient à trancher les têtes
La tienne cautérisait au profond du thorax
Au profond du médian
Là où peut être siège l’âme
Quant à leur coup de gueule
Souvent
Annonçait les razzias
Tes coups de gueule
Etaient des coups de cœur
Tu étais un sultan
Qui n’avais pas de cours
N’avais pas de palais
Tu étais un sultan
Qui avais de l’éthique
Du courage de l’amour
Lorsque dans ton thorax
A frappé le séisme
Qui explosa ton cœur
Les répliques
Se sont fait ressentir
Au profond des poitrines
De tous les malades que tu as soignés
De tous les amis que tu as aimés
Qui t’ont aimé
Sage parmi les sages
Juste parmi les justes
Médecin militant
Médecin humaniste
Pour l’éternité
Dieu te soignera
Djaffar Messaoudi Le 10/10/2013 à 19H10
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