vendredi 19 février 2010

Epitre à mon amie

A celle qui m’a aimé en l’année quatre-vingt
Quand sur ma tête planaient les hordes de hiboux
A celle qui est aussi précieuse que l’écrin
A celle qui m’a sauvé de mes noirs courroux

A celle qui était là l’année de mes déchirures
Le jour où la révolte changea le paysage
A celle qui disait moi je suis de la texture
Qui donne plus d’amour que de libertinage

A celle qui me prend par le bras quand j’ai mal
Quand je suis foudroyé par l’angoisse et le spleen
A celle qui est plus douce que l’air matinal
A celle qui est ma mère, ma sœur ma mandoline

A celle qui m’a donné la quinquette d’amour
A celle qui m’a aimé, celle qui m’a rafraîchi
Ma belle Cléopâtre mon étoile de toujours
Ce poème est à toi je te le dédie

Te souviens-tu d’Octobre qui nous a réunis
Au secret le soir dans les baraquements
Tu m’avais trouvé beau moi j’étais démuni
De toutes les richesses sauf du firmament

Le ciel m’appartient j’étais un rêveur
Je t’avais tout promis, l’amour à l’infini
Tu m’avais dit je t’aime avec ta candeur
Moi j’étais ton oiseau toi tu étais mon nid

Mon amour pour toi se trouvait sans mesure
Tu étais ma merveille, mon astre, ma madone
Je le criais partout sur terre et à l’Azur
Tellement je t’aimais je t’ai porté au trône

Combien de fois m’as-tu lavé des vomissures
Quand j’arrivais meurtri dans le fond du couloir
Combien de fois as-tu pensé mes blessures
Quand au petit matin je revenais des bars

Je t’ai fait tant de mal que j’en ai fait à moi-même
Je naviguais à vue victime de ton éclat
Tu étais la plus belle au milieu du harem
Et j’étais bien plus fou que l’amant de Leïla

Ma mère, mon enfant, ma sœur, mon amitié
Je me souviens du temps où ma vie était mal
Tu m’as pris par amour et non point par pitié
Avant que je ne tombe tu m’offris un piédestal

Je n’ai pas été docte j’ai été un poète
J’aurais pu faire fortune en inventant des mots
Kaïs n’a pas aimé Leïla pour des sornettes
J’étais plus délirant qu’Ulysse et que Rimbaud

Je sais que j’étais triste comme l’œil de Baudelaire
Je buvais à mourir le vin de l’amertume
J’étais non conforme aux us et aux coutumes
Je tonnais contre tout et je crachais en l’air

Mes cauchemars la nuit, mes soirs sans allures
La fièvre qui me prenait je ne sais pourquoi
J’avais peur de vivre mais aussi de mourir
J’étais comme l’ectoplasme, enfant du désarroi

L’ennui ma belle ami, le venin goutte à gouttes
Le spleen qui m’étripait jusqu’au fond de mon être
Quand je parle je tonne et toi tu m’écoutes
Ma mère ne m’a pas dit si moi je voulais naître

Je t’ai dit qu’à vingt ans j’avais tout enterré
J’avais pour compagnon le squelette d’Arthaud
Je lisais Karl Marx et j’écoutais Ferré
J’aimais Ibn Sina fier de mes oripeaux

En l’an soixante-quatorze j’ai fait l’autodafé
De ce que j’ai écrit depuis plus de dix ans
Ma muse est revenue grâce à toi qui as fait
Que tu portes si bien notre cinquième enfant

Maintenant notre vie est devenue plus sobre
Pour moi tu es toujours ma compagne adorée
Je n’oublierai jamais les délices d’Octobre
Quand je t’offrais des fleurs et des dattes fourrées.

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